La pensée de Patrick Rayou sur l’autonomie des élèves, notamment exposée dans son ouvrage « L’autonomie des élèves. Injonctions, pratiques, inégalités » (Presses universitaires de Lyon, 2024), s’inscrit dans une analyse critique et nuancée de cette notion devenue un mot d’ordre central de l’éducation contemporaine.

Une injonction moderne ambiguë

Rayou montre que l’autonomie des élèves, présentée comme un idéal éducatif d’émancipation, revêt aussi une dimension idéologique héritée du libéralisme moderne : elle transfère la responsabilité de la réussite de l’institution vers l’individu. Être autonome n’est plus seulement une valeur humaniste, mais une exigence normative inscrite dans les politiques publiques et les pratiques scolaires contemporaines. Selon Rayou, cette injonction renvoie à une « fabrication d’individus aptes à s’incorporer dans la machine économique », autrement dit à un prolongement des valeurs néolibérales dans l’école.

L’autonomie comme construction sociale et didactique

Rayou s’oppose à l’idée selon laquelle l’autonomie serait une compétence innée ou naturelle. Pour lui, il s’agit d’une construction sociale et pédagogique, qui doit s’apprendre et s’enseigner. Autrement dit, les élèves ne deviennent pas autonomes en étant simplement « laissés seuls », mais grâce à des dispositifs d’étayage et de médiation proposés par les enseignants. Il insiste sur la nécessité d’un accompagnement équilibré entre liberté et contrainte, entre initiative personnelle et culture scolaire. Le rôle du maître est d’organiser une autonomie guidée, ancrée dans des pratiques collectives, et non une autonomie d’abandon.

Les malentendus autour du concept

Pour Rayou, l’un des pièges récurrents réside dans les malentendus autour du mot « autonomie ». Beaucoup d’élèves, enseignants ou parents confondent autonomie et indépendance : or, être autonome ne signifie pas « faire seul » ni se substituer au professeur. Il s’agit plutôt de se doter progressivement des règles d’action et de jugement permettant de s’engager efficacement dans les apprentissages. Ces malentendus renforcent souvent les inégalités scolaires : les élèves issus de milieux favorisés saisissent mieux les implicites de ce que l’école entend par autonomie, tandis que les autres s’en trouvent pénalisés.

Autonomie et inégalités

Dans la lignée de la sociologie de Bourdieu et Passeron, Rayou observe que le développement de l’autonomie scolaire reproduit souvent les inégalités sociales. Les élèves qui disposent de ressources culturelles, langagières et symboliques adaptées à l’école s’approprient plus facilement les configurations d’apprentissage autonomes. À l’inverse, les enfants de milieux populaires risquent d’être laissés à distance d’une « autonomie pour initiés » si l’école ne met pas en place de véritables dispositifs de médiation. L’autonomie devient alors un instrument paradoxal : censée émanciper, elle renforce parfois les écarts.

Des pistes pédagogiques concrètes

Patrick Rayou propose enfin plusieurs voies pour construire une véritable autonomie éducative :

L’enrôlement des élèves, c’est-à-dire leur implication active dans la définition et la compréhension des normes du travail scolaire.

Le recours à la médiation culturelle, en utilisant des supports issus des univers des élèves pour établir des ponts avec les savoirs scolaires.

Une didactisation prudente des situations d’autonomie, afin d’éviter qu’elles ne deviennent des moments d’exclusion silencieuse pour les plus fragiles.

Ces approches supposent d’adapter le cadrage et l’étayage enseignants, pour que chaque élève puisse progressivement apprendre à « se gouverner lui-même » dans le cadre du collectif.

En synthèse

Patrick Rayou redéfinit l’autonomie non comme une qualité individuelle, mais comme une capacité construite socialement, fruit d’un accompagnement éducatif exigeant. Loin d’un mot d’ordre abstrait ou idéologique, elle devient un champ d’action pédagogique visant à réduire les malentendus d’apprentissage. À travers son regard sociologique, il rappelle que former des élèves autonomes, c’est avant tout enseigner l’autonomie — et non la présupposer.

#UDA2025 : l'autonomie des élèves

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