Catherine Huchet, maitresse de conférence et formatrice en didactique du français à l’INSPE, revendique la dimension politique et transformatrice de la littérature, de même que le rôle essentiel des enseignants et enseignantes dans cette transmission. Invitée comme grande témoin de ces journées d’Université d’Automne, elle ancre sa réflexion dans une expérience vécue : déambuler, observer, dialoguer avec les participants.

Elle souligne d’emblée trois fils conducteurs : la force du collectif, la puissance émancipatrice du langage, et la nécessité d’une école des communs.

Le langage au cœur de l’école

Catherine Huchet développe une conviction forte : nous sommes tous et toutes des êtres de langage, et l’école doit former à la maîtrise réflexive et critique des langages.
Le langage étant porteur d’inégalités, elle met en garde contre les normes langagières scolaires qui peuvent exclure certains élèves. Les enfants arrivent à l’école inégalement armés face aux implicites du discours scolaire.

Elle critique la conception techniciste des apprentissages linguistiques : la compréhension et l’interprétation ne sont pas de simples compétences à automatiser, mais des actes d’interprétation et de sens. Apprendre, c’est interpréter, réfléchir, dialoguer.

Littérature et émancipation

Catherine Huchet défend une conception ouverte et plurielle de la littérature : non pas patrimoniale et figée, mais poly‑littérature, vivante, égalitaire, contemporaine et non genrée.
La littérature doit, selon elle, susciter des imaginaires nouveaux, nourrir des futurs désirables et même des présents désirables. Elle rejoint ici la pensée de pédagogies critiques et l’idée d’une école des communs, où apprendre, c’est aussi vivre ensemble, créer et agir collectivement.

L’école des communs propose une éthique du lien : apprendre avec les autres, humains et non humains, en refusant la distance créée par la seule abstraction technique.

Éducation au vivant et démarche interdisciplinaire

L’intervenante illustre ses recherches à partir d’un projet mené autour de l’album La Révolte d’Eduarda Lima, utilisé pour relier littérature et sciences.
Les élèves y sont invités à réfléchir à l’interdépendance du vivant et à exprimer l’empathie envers les êtres non humains.
Les productions d’élèves (textes de CE1 et CM1) montrent une forte sensibilité écologique, de la colère face aux injustices et la capacité d’articuler savoir, émotion et valeur.

L’expérience démontre que l’école peut former à la fois la raison scientifique, l’imaginaire artistique et la conscience éthique, loin des simples « éco‑gestes » moralisateurs.

Pour une école sensible, critique et poétique

Catherine Huchet plaide pour une école où la lecture, la littérature et la poésie deviennent des armes poétiques contre l’uniformisation et les inégalités scolaires.
Elle critique les exercices scolaires déshumanisés, proposant plutôt des démarches de lecture et d’écriture interprétatives, sensibles et réflexives.
Elle rappelle que la littérature de jeunesse peut lutter puissamment contre les inégalités en offrant à tous les élèves des expériences humaines riches.

Enfin, elle relie cette approche à une éducation au commun et à une éthique du vivant, fondée sur l’attention, la coopération et la relation.

Conclusion

Pour Catherine Huchet, enseigner la littérature aujourd’hui, c’est :

Former à l’interprétation, à la distance réflexive et à la pluralité des langages.
Renforcer les liens entre savoirs, valeurs et émotions.
Construire une école capable d’éveiller les consciences sociales et écologiques.
Faire de la littérature un levier de transformation collective et d’émancipation.

#UDA2025 : la littérature jeunesse comme force émancipatrice

#UDA2025 : la littérature jeunesse comme force émancipatrice